Par Julien Van CaeyseelePublié le 26 Août 21 à 12:02 La République de Seine et Marne
A 101 ans, Bernard Marot, mémoire vivante de la Seconde Guerre mondiale Âgé de 101 ans, l'ancien Melunais Bernard Marot a été un des héros anonymes de la Seconde Guerre mondiale.
Témoignage. Habitant de Melun pendant de nombreuses années, Bernard Marot a été un héros de la Seconde Guerre mondiale (©DR)
Alors que les cérémonies du 77e anniversaire de la Libération de villes de Seine-et-Marne se succèdent, c’est pourtant loin du département qu’une figure de la Seconde Guerre mondiale coule une paisible retraite. Âgé de 101 ans, Bernard Marot est retourné vivre près de là où il a grandi : les Deux-Sèvres. « Il fallait lutter contre l’occupant » Depuis sa maison de retraite de Cholet (Maine-et-Loire), il s’est retourné sur sa longue et riche vie qu’il a en grande partie passée à Melun. Quand la guerre éclate, en 1939, il est ouvrier forgeron-maréchal. « Je me suis engagé comme volontaire dans l’armée de l’Air, se souvient-il. Mon père avait fait la Grande Guerre alors j’ai été imprégné de patriotisme : c’était à moi de reprendre le flambeau. » Il rejoint la base aérienne 101 de Toulouse-Francazal. Mais il subit l’armistice de juin-40 comme un choc. « Ce n’était pas possible pour moi d’être démobilisé, il fallait lutter contre l’occupant », plaide-t-il. Avec des compagnons, il part se cacher pour l’hiver dans les Pyrénées. Un héritage concret pour les demandeurs d’emploi... À la fin de sa carrière professionnelle, Bernard Marot a également eu un engagement social important qui subsiste toujours dans le département. En 1985, à la demande du sous-préfet de l’époque, il fait partie des fondateurs de l’association ODE, pour Orientation, détresse, emploi. « L’objectif était d’aider les nombreux demandeurs d’emploi en situation de précarité », dévoile Bernard Marot. Près de 40 ans plus tard, l’association existe toujours sous le nom d’ODE 77 (Orientation, développement, emploi), basée à Dammarie-lès-Lys. « On n’avait rien à bouffer ! J’en ai bavé », souffle-t-il. En 1941, il revient à Toulouse et intègre un réseau de Résistance. « Il fallait sans cesse être sur ses gardes à cause de la Gestapo, insiste Bernard Marot. Quand on voyait leurs chapeaux, il ne fallait pas paniquer, faire comme si tout était normal… » Sa spécialité ? Le renseignement. « J’ai fait ce que j’ai pu pour aider à lutter. J’avais un tout petit appareil photo et je devais par exemple identifier des objectifs. Il fallait prendre beaucoup de précautions. » Renseignements généraux Démobilisé en 1944, il débute alors une nouvelle carrière : policier. Il est affecté comme inspecteur au commissariat de Dammarie-lès-Lys. « Je ne connaissais pas la Seine-et-Marne et au final, j’y ai passé une grande partie de ma vie ! » C’est d’ailleurs là qu’il rencontrera son épouse, Gisèle Solet, avec qui il a eu deux filles : Patricia et Fabienne. Après 10 ans passés dans cette commune, il sera finalement affecté successivement au Maroc puis en Algérie, ses deux autres guerres (voir l’encadré). Les trois guerres d’un héros Outre la Seconde Guerre, Bernard Marot a été engagé dans deux autres conflits. En 1955, alors que le Maroc est encore en protectorat français, il est affecté comme inspecteur de police dans un commissariat de Casablanca. « Je suis resté pour aider et former de jeunes policiers marocains avant d’être rapatriés, en 1960 », indique-t-il. La même année, il sera finalement envoyé comme officier de police judiciaire en Algérie puis affecté au renseignement : « Une période meurtrière avec la lutte entre l’OAS (Organisation de l’armée secrète) et le FLN (Front de libération nationale). » Il rentrera en Seine-et-Marne en juin 1962 et achèvera sa carrière dans le renseignement En 1962, il retourne à Melun et rejoint les renseignements généraux. « J’avais déjà eu une expérience dans la résistance et ma discrétion m’a beaucoup aidé dans ce métier de réseaux », scande-t-il. Interrogé sur ses missions aux RG (ancien service de renseignement français), il se souviendra toujours de l’année 1971 : « Hirohito, l’empereur du Japon était venu en Seine-et-Marne et je devais assurer sa sécurité, raconte-t-il. Il avait mangé des escargots à l’auberge du Bas Bréau et il était venu me serrer la main pour me remercier.
À Melun, il habitait dans une résidence de la rue de La Chasse, non loin de l’école des officiers de la gendarmerie nationale. Il prendra sa retraite en 1975 et restera en Seine-et-Marne jusqu’en 2017. « Les commémorations de la Libération sont toujours un moment fort pour moi, admet-il. Cette guerre m’a marqué à vie. » Son seul regret ? Ne pas avoir été décoré de la Croix du combattant volontaire de la Résistance. Mais Bernard Marot a tout de même reçu de nombreuses décorations, ainsi que le titre de la reconnaissance de la Nation, qui lui a été décerné en 2018. Le secret de sa longévité ? « Je me pose moi-même la question pourquoi je suis encore-là ? J’ai en tout cas bien profité de ma vie ! » Peut-être pour raconter son incroyable histoire et transmettre sa mémoire.
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